La femme doit s’engager davantage dans la vie politique. Ce sont à la fois un vœu, renouvelé récemment par Navin Ramgoolam lors d’un atelier de travail de la Commission de l’Océan-Indien, et un mouvement d’ordre mondial que l’on doit accompagner ici à Maurice pour des raisons tenant avant tout à l’égalité des droits. L’engagement féminin pourrait apporter une certaine moralisation et une meilleure civilité au comportement des acteurs politiques. Tel qu’il a été développé et conceptualisé par Nicholas Machiavel dans son célèbre ouvrage intitulé « Le Prince », l’exercice politique n’a été finalement qu’un art pratiqué par le genre masculin pour conquérir ou se maintenir au pouvoir tout en étant accompagné de faits de scandales, de coups, et d’abus. La référence aux valeurs morales transcendantes, l’intérêt supérieur de la Nation ou la poursuite d’une utopie comme le prônait déjà Platon ont été reléguées à un plan nettement accessoire ou secondaire. Une féminisation de la politique serait susceptible d’accorder un nouveau souffle à celle-ci en lui redonnant ses lettres de noblesse et de vertus. L’exercice politique pourrait être refondé. Ce qui est nécessaire pour que les jeunes s’intéressent davantage à la collectivité et son devenir.
La dernière campagne des élections générales de 2010 a démontré que l’avancement de la place faite aux femmes n’était que timide. Peu de femmes ont reçu l’investiture des grands partis, sans doute en raison de l’absence de potentiels féminins prêts à s’y engager, et il va de soi que très peu d’entre elles ont été élues.
Il serait dès lors opportun, au-delà des déclarations d’intention, de s’interroger sur les moyens concrets à mettre en œuvre pour une meilleure participation des femmes à l’activité politique à Maurice.
Les partis politiques de Maurice doivent prendre l’engagement de d’exercer différemment la façon de faire de la sensibilisation, ainsi qu’ils l’ont fait à propos de l’utilisation des affiches et banderoles. Un corps de règles de bonne conduite doit être établi par la Commission de contrôle des élections (Electoral Supervisory Commission) en ce sens. Les partis doivent s’engager à ce que les orateurs lors des réunions publiques (meetings) ou de tout discours public, n’utilisent pas de langage vulgaires, insultants et surtout sexistes. Telle que la société mauricienne s’est développée, avec ses mœurs et ses valeurs, la femme sera peu encline à s’engager dans la politique tant que celle-ci apparaît sale et inélégante.
Les réunions publiques à ciel ouvert sont peu convenables à la présence d’un public féminin en raison d’un manque de confort qu’elles offrent à l’auditoire. Les partis politiques seraient mieux inspirés à privilégier des réunions dans des salles, convenablement aérées offrant bien entendu des places assises. Cela permettrait à davantage de femmes d’y être présentes.
Parallèlement à ce changement dans le style de la pratique politique, une éducation civique et politique doit être dispensée au sein de nos établissements d’enseignement secondaires afin d’inciter les jeunes élèves à s’intéresser de manière plus active au fait de la vie publique. L’éducation secondaire est trop limitée au savoir académique. Une bonne éducation politique pourrait être assurée par des politiciens de tous bords politiques si des politologues ne sont pas à disposition. Il suffit de quelques heures de cours seulement par an pour créer un nouveau climat et une bonne sensibilisation.
Peut-on aussi procéder, comme dans certains pays et dont la France, à l’instauration légale de la parité hommes-femmes à l’accès aux mandats électifs ? Nous devons sans doute nous diriger dans un avenir pas trop lointain vers une telle configuration. La parité légale n’a de signification que si elle est accompagnée de mesures pouvant inciter les partis à la respecter. En France, la Loi module l’aide publique aux partis politiques en fonction de leur respect de l’application de la parité pour la présentation des candidats aux élections. Un parti peut ne pas recevoir de remboursement de ses frais de campagne par l’État s’il n’a pas accordé l’investiture à la hauteur exigée aux femmes. À Maurice, l’État ne prend pas en charge le financement des partis politiques. Il serait dès lors difficile de mettre en œuvre un processus coercitif de parité électorale selon ce modèle. Néanmoins, nous devons nous en inspirer. L’on pourrait imaginer une privation ou une réduction sensible du temps d’antenne télévisée lors de la campagne aux partis qui ne présentent pas suffisamment de femmes aux élections. Ce serait un sérieux handicap que d’être privé du temps d’antenne officiel.
La participation féminine à la vie publique est une question de bonne volonté. Les associations de défense des droits des femmes doivent porter haut et fort leur revendication mais en faisant de suggestions claires et concrètes pour un réel changement.
Dr Ismael DILMAHOMED
Ancien Ambassadeur de Maurice en France
Publié in Le Mauricien du 12 juillet 2010 (forum)
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